Topologie du spectateur

Absorption, réjection, fascination, distraction

« Je décris la perception comme système diacritique, relatif, oppositif, – l’espace primordial comme topologique […] »
(Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible)

Maurice Merleau-Ponty, à la fin de sa vie, avait entrepris la rédaction d’un ouvrage, Le Visible et l’invisible, comportant d’importants développements sur la perception, le regard, l’espace, qui depuis ont maintes fois été commentés au sein de l’art contemporain – le moins surprenant n’étant pas que cette réflexion ait été relayée depuis une quinzaine d’années par la peinture abstraite elle-même, voire par le monochrome. Ne pouvait-on pas penser a priori que les héritiers de la « peinture pure », prédite par Apollinaire en 1912, se souciaient du spectateur comme de la guigne ! L’abstraction sait-elle quoi faire du spectateur ? Sans doute pas plus que le reste de l’art contemporain, pas moins non plus. Toute œuvre d’art, en tout cas de façon insistante depuis l’aube de la modernité, ne cesse de poser la question de la place du spectateur. En limitant les paramètres en jeu, en approchant de ce point asymptotique où la peinture confinerait à la pure surface circonscrite, la peinture abstraite et encore plus le monochrome lient indéfectiblement le rôle du spectateur au plan du tableau, comme si c’était dans ce dernier, avec lui et par lui qu’était programmé le comportement du premier. Les configurations qui répartissent les deux instances, plan du tableau et rôle du spectateur, se renouvellent certes, mais les positions et les mouvements que le commentaire ne cesse de décrire n’en sont pas moins régis et déterminés par le plan pictural lui-même. Le schéma que je propose indique combien le spectateur participe en sous main de la même abstraction – du même imaginaire – que le plan pictural. Le discours – qu’il soit celui du peintre ou celui du critique – qui prend en charge l’observation du rapport tableau/spectateur ne peut qu’osciller entre la revendication du réel et celle de l’imaginaire, rêver d’un spectateur immobile ou mobile, ou dépasser ces alternatives, se diffracter en des parcours plus complexes qui maintiennent ces contradictions en suspension. Pour terminer on indiquera rapidement comment le schéma proposé peut se laisser confronter à certaines thèses de la sémiotique et de la psychanalyse.

Marcia Hafif et la Radical Painting

Quand j’ai réalisé Tableaux abstraits [1], j’entendais avant tout rendre compte d’un certain air du temps. J’avais pour cela écarté de ma sélection tout ce qui pouvait ressembler à des séquelles des démarches analytiques qui, tant en Europe qu’outre-Atlantique, avaient occupé le devant de la scène dans les années 1970 [2]. Pour cette raison, dans cette exposition – que je regarde rétrospectivement comme un essai participant d’une certaine mode des années quatre-vingts –, j’avais a priori écarté le monochrome. J’avais également laissé de côté de « nouveaux abstraits », dont les mérites avaient certes été vantés dans des articles d’Art News et de Flash Art  [3] (Sean Scully, par exemple), mais qui me semblaient par trop épouser le discours néo-expressionniste de la fin des années soixante-dix. Enfin, et bien qu’Olivier Mosset (qui avait eu la gentillesse de me guider dans le dédale new-yorkais) m’en ait parlé, j’avais également tenu pour lettre morte les œuvres des participants de l’exposition Radical Painting à Williamstown en 1984 (exceptée celle de Mosset). Or, ce dernier courant, que j’avais trop vite rattaché à une modernité analytique, dans sa tentative de relancer un propos pictural englué dans une textualité restreinte, a en partie réintroduit une certaine problématique du spectateur. Le point de départ peut en être situé dans Beginning again [4], un essai publié en 1978 par Marcia Hafif, qui a fait figure de manifeste, et a entraîné à sa suite la formation d’un groupe (avec, outre Hafif et Mosset, Joseph Marioni, Phil Sims, Jerry Zeniuk…), dont les discussions sur la peinture ont été publiées [5], et autour duquel s’est organisée l’exposition de Williamstown. Beginning again m’importe plus que le label radical qui ne fait qu’habiller d’une autre façon ce qui s’énonçait une décennie avant sous le vocable fondamental. Dans ce texte, Marcia Hafif prend ses distances avec la modernité théorique, qui a toujours plus ou moins vu le monochrome comme le point final d’une histoire. « Ce n’est pas forcément ce qui est nouveau qui nous intéresse », y déclare-t-elle, partant de la constatation très postmoderne que tout a déjà été expérimenté, pour en conclure qu’il faut mettre cet acquis entre parenthèses et « recommencer ». Par leur apparence, comme par leur traitement sériel les propres peintures de Hafif semblent certes appartenir au minimalisme, mais la réduction y occupe une toute autre fonction stratégique, même si les formulations sont parfois très proches. Il s’agit seulement, dit-elle par exemple, de « commencer au commencement » : elle revendique « une approche de l’art aussi primitive que possible » ; elle rexplore les gestes les plus simples, et s’interroge sur chaque décision à prendre concernant le choix du support, du médium, des outils et de la technique : elle dessine en commençant « en haut à gauche » ; au début elle se limite à un seul pigment ; elle ne peint pas un rouge mais par exemple tel Rouge permanent foncé (ce qu’elle spécifie par le titre, en attirant ainsi l’attention sur les qualités particulières du pigment utilisé), elle a « l’impression de devoir tout redécouvrir »… Il faut bien constater cependant qu’une telle peinture délaisse en grande partie le projet de déconstruction et d’analyse que les années soixante-dix ont connu. Beginning again déclare au contraire ce moment clos et annonce une « période synthétique ». Est visé davantage « l’acte de peindre » plutôt que la forme ou les seules données matérielles de la peinture. L’inventaire entrepris vers 1971-1972, et qui comporte aujourd’hui plus d’une quinzaine de séries (Pencils Drawings, The Gray Series, Oil Studies, Mass Tone Paintings, Watercolors, Tempera, Wall Paintings, Black Paintings, Roman Paintings, French Paintings, Enamel on Wood, Glaze paintings…), s’est révélé à la longue un puissant intégrateur de données existentielles : ne sont écartés ni l’inscription du temps de travail passé, voire de l’engagement du peintre, ni une certaine identification de celui-ci à la peinture, ni la venue d’un sens : « une peinture sans composition n’est pas vide ». Il s’agit de « revitaliser la peinture », la poursuite post-analytique de l’entreprise picturale n’excluant pas une certaine méditation.
Les Glaze Paintings, par exemple, qui appartiennent à la seizième série de l’Inventaire, sont toutes obtenues par la superposition d’une couche de couleur sombre sur une autre, différente et claire, et proviennent (dixit Hafif) « d’un intérêt déjà ancien pour l’aspect que prend un pigment donné quand la peinture est étirée : lorsque l’on voit une fine couche sur un fond blanc, elle apparaît plus claire et plus brillante que lorsqu’elle est dense ». C’est cet effet même de glacis propre à la peinture à l’huile qui faisait qualifier cette dernière de bellissima invenzione par Vasari. La relative transparence des couches entraîne l’œil dans l’épaisseur du médium. L’absorption, dont Michael Fried rappelle qu’elle fut le mot d’ordre de l’esthétique de Diderot, était donc déjà là à l’état latent, dans la technique du glacis, qui suppose toujours plus ou moins que l’œil soit entraîné dans la profondeur du tableau. En ce qui la concerne, avec ce type de couche picturale semi-transparente, Hafif demande au spectateur un certain temps d’appréhension. Elle éloigne la peinture d’une sémiologie spectaculaire instantanément assimilable. Le temps requis pour le spectateur et le temps passé par le peintre se présupposent mutuellement. Par ailleurs, le contexte, les modalités de présentation de la peinture font également partie des données existentielles mises implicitement en scène : attentive à la façon dont la peinture est manifestée, Hafif attache de l’importance au support, à la disposition murale. L’ensemble de son œuvre témoigne donc d’une sorte de changement de perspective par rapport à la position défendue par la génération de l’abstraction analytique – à laquelle du reste elle a appartenu à ses débuts. En réintroduisant des données existentielles et temporelles expulsées des approches textuelles et déconstructivistes précédentes, elle redonne une place qu’il n’avait plus au spectateur.

Günter Umberg avec Maurice Merleau-Ponty

L’examen de l’œuvre de Günter Umberg, qui participa également à Radical Painting apporte de précieuses indications complémentaires. Son œuvre se détache pareillement sur l’horizon passé de la peinture fondamentale. Filiberto Menna, auteur de La linea analitica dell’arte moderna [6] n’a-t-il pas préfacé le catalogue d’une de ses expositions personnelles [7] en 1979, en l’insérant explicitement dans un tel cadre ? Pourtant Umberg, tout comme Hafif, mais par d’autres moyens, s’en est éloigné. Ses œuvres sont là, et démontrent combien le discours sur la peinture radicale qu’il épouse dans les années quatre-vingt formule très mal ce qu’elles mettent en jeu. Le visiteur de ses expositions ne peut être que troublé par ses peintures, ces étranges rectangles d’apparence noire, opaques et mats, au pouvoir d’absorption jamais démenti, ces surfaces indéfinissables qui sollicitent le déplacement pour voir comment ça marche, si ça avance ou bien si c’est plat. Ces sortes de monochromes lui font face de toute la puissance de leur être-là, impeccables et énigmatiques. Ils provoquent son interrogation, et y répondent du même élan par un imperturbable silence. Plusieurs déclarations de l’artiste permettent d’orienter la recherche, à commencer par celle-ci :

Je ne considère pas uniquement une peinture, par rapport à sa valeur d’objet, mais par rapport au vis-à-vis très spécifique qu’elle m’offre [8]

Curieux propos pour une peinture qui laisse commenter son mode de fabrication, deviner la laborieuse superposition de ses dizaines de couches croisées, de noir et de bleu dilués, scruter le grain infime du pigment pulvérulent fixé par la résine ; comme si tout était dit dans sa surface, comme si son ontologie y résidait, toute enveloppée qu’elle est dans de péremptoires déclarations sur la peinture fondamentale. Ce propos sur le vis-à-vis est d’autant plus symptomatique qu’il introduit dans une œuvre de part en part abstraite un thème traditionnellement figuratif. Je résumerai rapidement ce que j’ai eu l’occasion d’analyser plus longuement ailleurs [9]. L’examen de l’intertexte révèle une thématique qui tourne autour du miroir, du narcissisme, de l’autoportrait et de l’icône. À propos des expositions qu’il a eu l’occasion d’organiser, à Cologne, de 1982 à 1988, dans une partie de son atelier transformée en Raum für Malerei, Umberg souligne que son point de départ fut toujours « la façon dont [il voyait] des peintures singulières ». Se refusant à « exposer des artistes », il a porté toute son attention au choix précis des peintures, en nombre restreint, deux, trois ou quatre le plus souvent. Selon le mot d’un critique, la Raum für Malerei créait les conditions nécessaires au spectateur pour « se tenir devant la peinture [10] ». Umberg, pareillement, ne travaille jamais par séries : chacune de ses œuvres est d’un format unique, et semble déclarer, par cette unicité, son appartenance à une espèce constituée d’éléments fortement individualisés, analogue en cela à l’espèce humaine – éléments placés à hauteur d’œil, au lieu et place du visage de l’autre. Cette peinture demande qu’on la dévisage, tout autant qu’elle nous dévisage elle-même, comme le ferait un miroir (les formats utilisés comme le choix des emplacements contribuent à l’analogie). L’effet d’individualisation se renforce d’une solitude mimée : disposition isolée au milieu du mur et rares rencontres sur le mode du côtoiement, de la superposition ou du face à face. Par son allure de faux miroir, par sa disposition, comme par ses formats, la peinture d’Umberg est en somme fortement anthropologisée. Par le jeu qu’elle suppose entre le regardeur et le regardé, elle reprend la structure de l’autoportrait. Une indéfectible nuit vient cependant interdire au double de prendre figure. Quelque chose aussi se transmet plus particulièrement de ces autoportraits envahis par le regard fixe de l’artiste, de leur fascinum étrange, dans la façon dont les peintures attirent l’œil, désignent un point focal au milieu des murs, concentrent le regard sur elles. La peinture d’Umberg provoque ce moment où le temps s’arrête pour le spectateur, figé dans la contemplation. Par ailleurs, le noir, qui conteste la visibilité, manifeste le travail du négatif et appartient au pli critique. Dans la réflexion affleure le mythe de Narcisse, et Umberg lâche au passage que la peinture est un « autre moi-même ». Si le monochrome annule toute figuration, la couleur noire en marque la perte, en signe le deuil ; elle met magiquement en scène la mort, et conjure l’apparition du double ; elle interdit le retour des ombres – de l’ombre du peintre précisément. Enfin, Umberg oppose l’image des médias, dotée d’ubiquité à celle de sa peinture pourvue, elle, de matérialité et de présence [11] ; avec Marioni, il pense que la Peinture radicale fait partie de ces images qui ne représentent rien mais « sont elles-mêmes des icônes » [12]. Là encore le propos qui rapporte à l’icône une peinture volontairement désémantisée est étrange. On ne le saisit que parce que le face à face ressenti rapproche justement le monochrome de l’icône ou de l’image moyenâgeuse.
Une même isotopie sous-tend tous ces propos : une relation spectaculaire, décrite en termes divers (le miroir, le mythe de Narcisse, l’autoportrait, l’icône), mais toujours traversée par une sorte d’échange des places. La fascination exercée par le monochrome a partie liée avec la clôture totalisante de l’image. Cependant, cette clôture s’établit au registre supérieur du rapport unifiant le regardeur et l’image regardée. Umberg décrit ainsi le lien entre lui-même et sa peinture :

« Je ne vois pas exclusivement une peinture dans son “objectité”, dit Umberg, mais toujours en relation très spécifique avec moi. Cette relation “avec moi” confère à la peinture une attache solide. Je ne peux plus rester en dehors du jeu des éléments et de leur rapport ; au lieu de cela, la perception et l’expérience m’introduisent dans la peinture. [13] »

Il est difficile de ne pas évoquer ici l’Einfühlung  qui,  de Vischer à Worringer en passant par Volkelt a été un concept clé de l’esthétique allemande. Au début du siècle, Theodor Lipps, qui en a fait le centre de son système esthétique, écrivait par exemple ceci :

Ce que j’expérimente dans ma conception et dans ma considération de l’objet, et dans ma projection, comme détermination de moi-même, je le sens ou je le vis comme uni à l’objet, comme lui correspondant, comme une détermination de lui-même ; en un mot, je me vis moi-même dans l’objet.
Cet acte de me vivre moi-même dans l’objet comme individu unifié, et de vivre par cela même l’objet en moi, est, comme je l’ai dit, l’accomplissement de la projection sentimentale. C’est en même temps la condition finale de la beauté de l’objet. [14]

On comparera avec Umberg. Celui-ci accorde moins de crédit qu’on pouvait en accorder en des temps pré-freudiens à la soi-disant unité du moi. La notion d’image ne vient sous sa plume et celle de ses commentateurs que pour décrire une expérience somme toute phénoménologique, celle qui met aux prises le spectateur avec elle :

Toutefois, l’image dans ma peinture m’importe dans la mesure où elle co-détermine comment remplir, comment combler ce qu’on appelle “l’espace” entre la peinture et l’observateur. Je ne considère pas cet espace par rapport à sa distance. La peinture est bien plus liée à notre présence corporelle et n’est pas simplement une chose en soi. Nous ne pouvons pas nous l’approprier. C’est beaucoup plus une ouverture de soi, une fuite, un afflux, une extension de soi, c’est le mouvement sans limite de l’approche. Les attitudes du comportement sont ici essentielles : attitudes de direction, de mouvement, d’approche, d’éloignement, de vis-à-vis. La peinture-image constitue la présence de sa propre image. [15]

Umberg remplace la projection, l’empathie, la symbiose toute spirituelle que suppose l’Einfühlung, par une description des rapports entre le regardeur et la peinture qui rappelle indubitablement la phénoménologie, celle de Merleau-Ponty précisément.

Le sens de la peinture n’existe que dans le rapport entre le spectateur et la peinture. [16]

En critiquant la peinture comme chose en soi, et en substituant à cette pseudo-objectivité un lien avec la « présence corporelle » du spectateur, Umberg reprend mot à mot le passage de la Phénoménologie de la perception, où le philosophe affirme que c’est le corps propre qui « maintient en vie le spectacle visible » :

il l‘anime et le nourrit intérieurement, il forme avec lui un système. [17]

L’unité se fait dans l’acte de perception. C’est par cet acte que le spectateur est introduit dans ce qu’Umberg nomme un « jeu », et Merleau-Ponty un « système ». Il n’est pas indifférent que le passage de la Phénoménologie cité soit suivi par l’analyse de la perception d’un cube. Il faut rappeler que le discours sur « l’art du réel » (qu’épouse à bien des égards la Peinture radicale avec ses déclarations sur la matérialité de la peinture) a trouvé dans un passage similaire de la Phénoménologie sa première formulation philosophique – cette « réalité » ayant d’abord été celle de la sculpture minimaliste, objet tangible occupant l’espace, dont le cube est une sorte d’épitomé. Or, Umberg est bien trop fin pour accréditer un discours simplificateur et exclusif sur le corps et le réel. Come se la pittura rimani cosa mentale. L’œil avec l’esprit. C’est pourquoi, tout en insistant sur l’aspect matériel de la peinture, il peut simultanément écrire  :

Elle est matérielle et immatérielle à la fois. Elle est localisable, et en même temps elle n’est pas localisée de manière précise. Elle est visible, tout en sortant du domaine du visible pour entrer dans celui de l’invisible. [18]

L’idée que le visible suppose une rétroversion prend chez  Maurice Merleau-Ponty le nom de « chiasme ». On comprend en le lisant pourquoi tout contact avec la peinture est un face à face :

Le chiasma n’est pas seulement échange moi autrui […] c’est aussi échange de moi et du monde, du corps phénoménal et du corps objectif, du corps percevant et du corps perçu : ce qui commence comme chose finit comme état de conscience, ce qui commence comme “état de conscience” finit comme chose. [19]

L’« adhérence du voyant au visible » fait que quand nous regardons nous nous sentons « entouré ».

De sorte que le voyant  étant pris dans ce qu’il voit, c’est encore lui-même qu’il voit : il y a un narcissisme fondamental de toute vision ; et que pour la même raison, il la subit aussi de la part des choses, que, comme l’on dit beaucoup de peintres, je me sens regardé par les choses […] [20]

Tout visible suppose donc un invisible qui est là, non pas objectivement mais comme sa profondeur inhérente sous sa surface tangible. « Le sens est invisible […] le visible a lui-même une membrure d’invisible ». Merleau-Ponty avait également achevé, peu avant sa mort, le manuscrit de L’Œil et l’Esprit, un petit livre plus accessible que Le Visible et l’invisible, qui s’appuie directement sur des déclarations de peintres, et développe le même thème de la rétroversion du voyant et du visible.

Je décris, dit Merleau-Ponty la perception comme système diacritique, relatif, oppositif, – l’espace primordial comme topologique.[21]

Il semble bien que ce soit ce genre de topologie, dont Merleau-Ponty a eu l’intuition sur sa fin, que manifeste la peinture de Umberg qui, au-delà du simple face à face, en offre les différentes facettes. Elle fournit pour le moins la matière nécessaire à la construction d’un modèle descriptif.

Topologie du spectateur

Le modèle se définit sur deux axes :
– 1. Le monochrome, en faisant tache au mur, le marque. Il attire et fixe le regard ; il forme un point focal. Les surfaces noires sont à cet égard des marqueurs parfaitement prégnants. Cependant les peintures d’Umberg, qui se donnent comme des tableaux, des objets tangibles, matériels, déclinent aussi leur qualité d’objet par la forme de leur support – son adhésion au mur ou son avancée, son épaisseur ou sa platitude, son éventuel biseau – que seul un regard latéral peut saisir. La préoccupation même de l’espace d’exposition pousse le spectateur à rapporter la peinture au mur et à l’espace de la pièce. Mobilité de l’œil et déplacement physique sont alors de mise. Si l’on s’en tient au plan du tableau, le vecteur centripète qui ramène le regard sur la peinture se double donc d’un autre vecteur, centrifuge. Un personnage au corps plus agité se substitue alors à l’immobile Narcisse penché sur sa mare. Car la vérification de la nature du phénomène optique, la distraction par la situation dans l’espace d’exposition, menacent toujours de miner le face à face avec l’icône.
– 2. Il est un autre plan topologique, celui perpendiculaire au tableau. Le mouvement concret, bien connu, d’approche et de recul du spectateur qui rappelle celui du peintre devant sa toile se retrouve évidemment en l’occasion. Un autre mouvement, plus idéal qu’effectif, qui concerne le fait de « rentrer » dans le tableau ou de le saisir « avec distance » est également en jeu. L’œil, et c’est peu dire, se perd dans le noir ; il le traverse. Le noir absorbe le regard comme il absorbe la lumière. Il abolit la distance, la rend insaisissable et le monochrome flotte on ne sait où dans l’espace. À l’opposé, le discours sur l’art du réel argue de la qualité d’objet de la peinture, de sa matérialité. Il oppose l’objet au sujet, sûr de la distance qui les sépare. Cette sorte d’ambivalence propre aux relations inscrites à la perpendiculaire du plan du tableau se retrouve chez Marcia Hafif, dont la peinture, on l’a vu, joue à la fois de ses effets de profondeur et de sa matérialité. La distraction affleure également chez elle dans l’alignement syntagmatique de séries, dans l’exploration d’autres dispositions, ou dans le recours à la peinture murale.

Une telle description des rapports de la peinture avec le spectateur permet de conjoindre quatre types de discours, le plus souvent disjoints ailleurs. Le monochrome, en se donnant comme simple surface, simple plan, permet de ramener à un même lieu, un même topos, du mouvement et des positions que des configurations discursives étrangères les unes aux autres disjoignent. Commençons par le rapport orthogonal :
– 1. Pour ce qui est du discours sur l’absorption, on ne peut que rappeler ce que Michael Fried a si brillamment dégagé dans ses études sur l’esthétique de Diderot et sur Courbet. Chardin peignait des personnages dont les tâches (lecture, jeu, etc.) étaient absorbantes. Diderot exige que l’on peigne des personnages qui ne se soucient pas du spectateur, qui soient absorbés dans le drame joué. Comme au théâtre, il demande que l’on fasse comme si existait un quatrième mur. Le même Diderot décrit un paysage de Hubert Robert comme s’il se promenait dedans : nulle contradiction car dans les deux cas l’adhésion du spectateur est obtenue grâce à la défiance à l’encontre de ce que le philosophe appelle péjorativement la théâtralité. La peinture de Greuze qui illustre si pleinement la pensée du philosophe finira cependant par apparaître, par son moralisme et sa sentimentalité, trop théâtrale. C’est en poursuivant sur la voie de l’effacement des marques de la théâtralité que Courbet en viendra à concevoir que c’est le peintre lui-même qui doit être absorbé par la peinture. Lequel Courbet, nous pouvons trouver de nos jours quelque peu cabotin… Absorption dans la peinture, adhésion au spectacle, notons au passage qu’il est toujours question de croyance. Diderot veut que les acteurs du drame soient davantage crédibles, Courbet que le peintre lui-même, tout engagé dans la peinture, le soit. Ce point ne me semble pas avoir été mis suffisamment en évidence par Fried [22] . L’analyse du rapport entre absorption et croyance reste donc à faire.
– 2. Si l’on part maintenant dans l’autre sens, le long de l’axe qui traverse le plan du tableau, on rencontre toutes les sortes de discours qui mettent à distance celui-ci. Pêle-mêle se bousculent la distance brechtienne, la matérialité de la toile, et très généralement tout ce qui traîne de propos sur l’art comme réel. The Art of the Real fut, on s’en souvient, le titre d’une exposition qui recueillait dans un même espace physique et mental quelques rescapés de l’expressionnisme abstrait, la version Pop  de l’abstraction (je veux parler du Hard Edge), et le Minimal Art [23]. Pour décrire ce vecteur, pour résumer ce qui est en jeu de façon très large entre la boîte Brillo (qui a tant fasciné Arthur Danto) et le parallélépipède néo-avant-gardiste, un terme me semble particulièrement approprié c’est celui de réjection au sens où Lucy Lippard a pu parler de Rejective Art [24].
Les mouvements qui ont lieu parallèlement au plan du tableau sont la source d’autres configurations discursives :
– 3. Pour la fascination on partira de Roger Caillois [25], et de ce qu’il dit du mimétisme. En s’appuyant sur des exemples pris dans le règne animal – ocelles des ailes de Caligo Prometheus, de la chenille de Papilio Troilus, protubérances céphaliques du Fulgore porte-lanterne, etc.), il montre que la forme circulaire, fixe est un instrument typique de fascination :

Tout cercle fixe est naturellement hypnotisant. Le contempler longuement trouble, paralyse, endort.

Ce phénomène, d’abord optique, entraîne chez l’homme la croyance au mauvais œil, que Caillois relie au port du masque et au regard terrifiant de la Gorgone. Lacan, qui s’appuie sur Caillois dans le passage de son onzième séminaire où il aborde le regard, remarque à ce sujet qu’il n’y a pas dans toute la littérature sacrée de bon œil.

[L’]homme, dit encore Caillois, a peur de l’œil dont le regard stupéfie, fixe au sol, prive soudain de la conscience, de la volonté et du mouvement.

Si l’on met en rapport la fermeture de la fenêtre ouvrant sur un autre espace, héritée de la renaissance, avec la revendication qui se fait jour au dix-neuvième siècle de ne pas mélanger les tableaux afin qu’ils soient vus sans trouble, on remarque bien vite que l’espace autour, le « blanc », en transformant tout tableau en punctum sur le mur, dote la peinture d’un effet cible analogue à celui décrit par Caillois. Le White cube, l’espace de la galerie ou du musée avant-gardiste, est l’instrument le mieux adapté à la production de cette fascination par isolation. Il fournit l’équivalent de la concentration nécessaire à l’archer pour qu’il se rive sur sa cible.
– 4. Pour la distraction, enfin, il faut citer ce que dit Yve-Alain Bois [26] de Courbet, qui entendait soustraire son art à la loi spectaculaire de la marchandise ; ce qu’il dit aussi du Matisse de La Danse du docteur Barnes, promoteur d’une « peinture architecturale », qui a recourt, lui, – relayé en cela par Benjamin – à une toute autre stratégie :

À l’attention requise par la structure tableau, fondée sur la projection, à l’“absorption”, Matisse et Benjamin opposent la distraction. À la vision frontale et statique, ils opposent le “toucher”, le mouvement d’une perception latérale et flottante ; à la frontalité de la relation d’“enfacialité”, ils opposent la frontalité de la surface peinte ou murale sur laquelle glisse le regard pendant que marche le corps, et où il ne s’enlise pas. Ce n’est plus la toile qui est nomade – tout en elle, au contraire, est enraciné dans un lieu –, c’est le corps même du spectateur.

De ce point de vue le « vertige du mélange » dont Valéry [27] créditait le visiteur du musée qui en sort « la tête rompue, les jambes chancelantes », n’est plus une « volupté » (dixit encore Valéry) à fuir.
Le modèle topologique qui rend compte des deux directions et des quatre vecteurs à quoi peuvent se ramener les rapports sus énoncés du spectateur et de la peinture se laisse schématiser ainsi :

 

 

 

Il n’est pas difficile, une fois posé un tel schéma, avec ses quatre vecteurs déterminés par le plan du tableau, d’y indexer un certain nombre d’œuvres. Le Carré  blanc sur fond blanc de Malevitch ou les monochromes I.K.B. d’Yves Klein semblent plutôt se situer du côté de l’absorption, quand ceux de Rodtchenko ou de Claude Rutault adoptent le parti de la réjection. L’effet cible du Carré noir  est renforcé par sa marge blanche, quand la découpe et la juxtaposition, chez Alan Charlton par exemple, permettent au contraire d’inférer le déplacement du regard – et du regardeur. Les bandes de Daniel Buren et le O de Olivier Mosset s’opposent sur ce même axe. Etc.
On ne saurait cependant s’arrêter à une telle homologation terme à terme des positions de notre schéma et des nombreux monochromes que l’histoire récente de la peinture a déposé dans les musées, réels ou imaginaires. Les shaped canvas, par exemple jouent de toute évidence sur les registres contraires de l’arrêt sur la cible et du déplacement de l’accent sur les bords, tout en commerçant avec le pôle contradictoire de la réjection. Les Nymphéas de Monet, par leur format, comme par leur sujet propre au loisir, se conçoivent sur le mode d’une distraction positive, alors que par leur thématique aquatique et leur traitement pictural ils le sont sur celui de la dilution et de l’absorption. On peut relever le même genre d’ambiguïté dans certains environnements comme ceux de James Turrell et Robert Irwin qui, tout en supposant un spectateur mobile, n’en sont pas moins absorbants. Michel Verjux ou Felice Varini, qui matérialisent une certaine rectitude focale, la font se déconstruire sous l’œil latéral du spectateur. La peinture de Günter Umberg, on l’a vu, réalise peu ou prou la conjonction paradoxale des quatre vecteurs : comme si elle emportait avec elle, aussi sûrement collée à sa surface que le pigment qui y est étendu, une sorte de synthèse des rapports possibles entre tableau et spectateur ! J’ai eu l’occasion ailleurs [28] d’analyser en quoi les peintures/écrans de Cécile Bart mettaient en scène le regard de façon tout aussi significative : elles se laissent traverser par celui-ci de façon frontale, s’opacifient avec le déplacement latéral ; l’espace alentour y est toujours présent ; elle permettent de plus la réversibilité de la position frontale, et donne ainsi tout particulièrement corps au propos même de Merleau-Ponty…
Il faut non seulement constater que le problème de la place du spectateur hante l’histoire de la peinture depuis Diderot, et décrire les épisodes où telle ou telle solution a été adoptée (Greuze, Courbet, Manet…), mais aussi mesurer combien toute peinture, du moins dans la modernité, véhicule sa propre conception du spectateur, assigne à celui-ci un rôle déterminé, le rend actif ou inactif, fixe ou mobile, le subjugue ou le distrait, bref mesurer combien ce rôle n’est pas l’effet d’une idéologie surajoutée à la peinture, n’est pas seulement dû au poids d’un contexte qu’il conviendrait de dénoncer ou de promouvoir (selon les valeurs thymiques dont on affecte fixité ou mouvement, adhésion ou distance), mais lui est en quelque sorte consubstantiel. Le monochrome, aussi étrange que cela paraisse, loin de mettre fin à cette histoire, continue donc de la tourner et retourner. Le point de vue topologique, qui suppose que ne soient pas séparés comme des entités indépendantes spectateur et tableau, permet de saisir en quoi tous les rôles décrits sont solidaires d’un même lieu commun.

Perspective sémiotique

Notre modèle, on vient de le voir, permet de distinguer quatre type de relations qui s’opposent deux à deux. À la catégorie /fixité/ vs /mouvement/, qui rend compte du déplacement du corps parallèlement au plan du tableau, correspond au registre du regard le couple concentration/balayage qu’on peut traduire psychologiquement en fascination/distraction. À la catégorie /unité/vs /dualité/, qui se joue, elle perpendiculairement au plan du tableau, correspond le couple absorption/distance qui a son pendant psychologique dans l’opposition projection/réjection (ou encore narcissisme/relation d’objet). Le discours adopte tour à tour différents points de vues, se centre sur différentes figures (pas d’absorption sans éponge ou quelque chose de la sorte) qui se diffractent à leur tour en autant de configurations discursives. Le discours du désir du spectateur, par exemple, dans sa version deleuzienne, fait fond sur le vecteur centrifuge…
Il y a tout lieu de parier que la verbalisation que je viens de donner de ces différentes situations relationnelles (à partir de Michael Fried, ou en ayant recours à des références bibliographiques devenues classiques) ne recouvre pas toutes les configurations discursives existantes en la matière. La solidarité sémiotique des différents partis pris décrits corrobore l’existence de ce même lieu commun que la topologie démontrait. En deçà de sa manifestation comme lieu rhétorique, ce lieu est avant tout un lieu sémiotique. Il n’est autre que celui où se distribuent les différentes relations d’objet qui définissent réciproquement le spectateur en tant que sujet orienté, doté d’une idéologie, et le tableau en tant qu’objet de valeur. Partant d’un tel constat, il est possible de reprendre le problème d’un point de vue strictement sémiotique et d’analyser sous les discours cités, la structure narrative profonde qui les engendre [29].

Le spectateur  appartient à l’imaginaire

Le schéma proposé indique aussi autre chose. Il s’organise de toute évidence à partir du plan du tableau. C’est le tableau en tant que plan abstrait, en dehors de tout investissement figuratif, qui engendre les quatre vecteurs définissant les quatre types de relations entre le sujet et l’objet. Le schéma se construit autour de ce plan de façon naturelle, et quasi physique, les différents jeux décrits étant toujours déjà là dans toute peinture. Ce qui par contre appartient plus spécifiquement à la modernité est la simultanéité des vecteurs, leur coexistence concurrentielle, la façon dont ils tiennent le tableau pour leur lieu commun, la dilatation et la sophistication du jeu discursif qui donne au schéma sa portée figurative. Le regard – dont Merleau-Ponty rend compte – cet espace primordial antérieur à toute perception – et celui qu’« hystérise » le plan du tableau ne sont pas identiques. Que le tableau soit pris pour centre du schéma, pour mesure paradigmatique, indique tout au plus la domination moderne d’un certain type de regard, la domination de la pulsion scopique. Le poids paradigmatique de la peinture se ressent chez Merleau-Ponty ou chez Lacan quand ils prennent le regard du peintre comme base de leur analyse du regard en général. Lacan fournit cependant la clé de ce tour de passe-passe. On se rappelle que, revenant en 1964, sur un schéma optique qui remonte à son premier séminaire [30], et qui situe le point d’où le sujet se regarde dans l’espace de l’Autre, il le fait se superposer avec ce qu’il appelle la « nasse de l’imaginaire ». Nous devons donc nous aussi replacer notre schéma dans cette nasse.

 

 

 

C’est dire que le spectateur, quand il est placé par le discours face à la matérialité du tableau, face au Ready-made, voire face au réel, l’est à l’intérieur du discours, au sein d’un imaginaire pictural qui en produit la figure. Le pôle de la réjection n’est pas le réel au sens absolu, mais un réel énoncé. Il doit donc plutôt être rapporté à la réalité, si l’on peut distinguer radicalement cette instance du réel, ainsi que le fait Lacan. Il faut en conclure que le spectateur n’est sans doute pas le seul personnage qui peut être mis en présence de la peinture, dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler une esthétique de la réception. J’ai ailleurs indiqué comment il entrait en concurrence avec le personnage collectif du public (qui relève de l’imaginaire des institutions), combien tous deux étaient programmés par des discours institués, et demeuraient en conséquence étrangers au réel en tant que tel, où surgit un troisième personnage, le visiteur, pas du tout programmable, lui [31].



* Cette étude réalisée à la sollicitation d’Olivier Gourvil a d’abord donné lieu à deux conférences : la première au Quartier, centre d’art contemporain de Quimper, le 25 juin 1996, la seconde à l’Ècole des arts décoratifs de Strasbourg, le 6 novembre. L’auteur remercie Dominique Abensour, Jean-Pierre Greff, Françoise Birgy, Daniel Schlier et Claude Rossignol. Le titre original était « Abstration faite du spectateur: absorption, réjection, fascination distraction ». La présente version a été augmentée.

[1]. Villa Arson, Nice, 1986. Je n’en fais état qu’en raison de la demande primitive d’Olivier Gourvil qui pensait que j’avais, dix ans après, quelque chose à en dire.

[2]. Quelques expostitions pour mémoire : Supports-Surfaces, Musée d’art moderne de la Ville, A.R.C., Paris, 1970 ; Geplante Malerei, Westfälischer Kunstverein, Münster, 1974 ; Nouvelle peinture en France – Pratiques / théories, Musée d’art et d’industrie, Saint-Étienne, 1974 ; Fundamentele schilderkunst, Stedelijk museum, Amsterdam, 1975.

[3]. Pour les références, cf. mon texte « Tableaux abstraits », dans le catalogue de l’exposition du même nom.

[4]. in Artforum, New York, sept. 1978

[5]. Pour une version française, cf. « The new abstracts », in Artistes, hors série n° 1, Paris, 13 juin 1984, p. 68-76. C’est entre autres pour éviter la confusion avec ces autres « nouveaux abstraits » que je n’avais pas repris le label Neo Geo dans Tableaux abstraits.

[6]. Turin, Einaudi, 1975.

[7]. Galerie Peccolo, Livourne.

[8]. Joseph Marioni, Günter Umberg, Outside the cartouche – Zur Frage des Betrachters in der radicalen Malerei, Munich, Neue Kunst Verlag, 1986.

[9]. « Günter Umberg avec Merleau-Ponty », in catalogue de l’exposition Devant et derrière la lumière, Mouans-Sartoux, Espace de l’art concret, 1996.

[10]. Cf. Nicola von Velsen « Der Raum für Malerei als ein Modell der Arbeit am Bild », in Günter Umberg, Raum für Malerei, Ostfildern, Cantz Verlag, 1994.

[11]. Cf. dossier de presse de l’exposition Devant et derrière la lumière, Mouans-Sartoux, Espace de l’art concret, 1996. Il est à noter que la proposition de Sybile Albers qui l’avait invité consistait justement à ce qu’il confrontat ses œuvres à celle de la collection du lieu.

[12]. OUtside the cartouche, op. cit.

[13]. Günter Umberg, « When I speak of painting […] » [décembre 1983] , in catalogue Radical Painting, Williamstown, Williams College Museum of Art, 1984.

[14]. Theodor Lipps, Aesthetik. Psychologie des Schönen und der Kunst, t. I : Grundlegung der Aesthetik, Hambourg, L. Voss, 1903. Cité d’après la traduction espagnole, Los Fundamentos de la Estética, Madrid, Daniel Jorro, 1923, p. 198.

[15]. Dossier de presse, op. cit.

[16]. Joseph Marioni, Günter Umberg, op. cit.

[17]. Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 235.

[18]. Dossier de presse, op. cit.

[19]. Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964 : Notes de travail, p. 268.

[20]. Idem, ibidem, p. 183.

[21]. Idem, ibidem, p. 267.

[22]. Michael Fried, Absorption and Theatricality. Painting and Beholder in the Age of Diderot [1980], University of ChicagoPress, 1988 (trad. franç. par Claire Brunet :  La place du spectateur – Esthétique et origine de la peinture moderne, Paris, Gallimard, 1990). Idem, Courbet’s Realism, University of Chicago Press, 1990 (trad. franç. par Michel Gautier :  Le Réalisme de Courbet – Esthétique et origine de la peinture moderne II, Paris, Gallimard, 1993).

[23]. La couverture de la version londonienne du catalogue porte l’incription suivante : « The art of the today’s real makes no direct appeal to the emotions, nor is it involved in upliift, but instead offers itself in the form of the simple irreductible, irrefutable object ».

[24]. Lucy R. Lippard, « New York Letter: Rejective Art », in, Art international, vol IX n° 6, New York, sept. 1966.

[25]. Roger Caillois, Méduse et Cie, Paris, Gallimard, 1960, p. 71 sq. : « Les trois fonctions du mimétisme ».

[26]. Yve-Alain Bois, « Exposition : esthétique de la distraction, espace de la démonstration », in Les Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 29, Paris, Centre Georges Pompidou, automne 1989, p. 57-79.

[27]. « Le problème des musées », in Pièces sur l’art, Paris, Gallimard, 1934, p. 115 sq.

[28]. « Traversée de la peinture », in catalogue Cécile Bart, galerie Juana Mordó, Madrid, 1990.

[29]. Cf. mon étude à paraître Sémiotique du spectateur.

[30]. Jasques Lacan, Les écrits techniques de Freud [1953-54], Paris, Le Seuil, 1975. Notamment : chap. viii, La topique de l’imaginaire ; et chap. x, Les deux narcissismes. Le shéma est repris in « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : “psychanalyse et structure de la personnalité” », in La Psychanalyse, n° 6, Paris, 1961 (republié in Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 672 sq.)

[31]. Cf. mon étude « Le tour de l’exposition – visiteur, spectateur et public », in Cécile Bart, Felice Varini, Michel Verjux : le tour, Villeurbanne, galerie Geoges Verney-Carron, 1995.